
Quatrième de couverture :
Robert Merle avec sa série d’ouvrages « Fortune de France », avait ouvert la voie des romans historiques conservant le langage de l’époque décrite.
Martine Hermant remonte plus loin dans le temps en nous livrant une histoire du Moyen Âge où tendresse et violence traversent le récit.
Vous allez revivre avec Lysandre les joies les émois et les peurs qui peuplent son univers.
Vous approcherez avec inquiétude le sorcier Viez Garol et sa fille l’Herminia secondés par des loups, que craignent les villageois mais que ces derniers vont consulter pour être guéris de leurs maux. Vous découvrirez la grande foire la Saint Ambroix de bourges et son animation au pied de la cathédrale, les tournois avec leur faste et leur violence, et puis la rencontre avec l’amour courtois que des dames de haute lignée professent pour essayer de réduire le comportement brutal des hommes. Vous approcherez les « parfaits », pourchassés par la croisade des Français du Nord, leur calme et leur bonté qui séduira Anieuse, la suivante de Lysandre au cours du pèlerinage jusqu’à Orcival en expiation imposée par son époux et seigneur.
Une grande fresque animée qui vous tiendra en haleine au cours de ce voyage du Berry à l’Auvergne.
Mon avis :
Comment avais-je pu passer à côté de ce livre ? Je ne me l’explique pas. Vous connaissez tous à présent mon amour, ma passion pour cette période qu’est le Moyen Âge… Il existe à l’heure actuelle moultes études sur le sujet, de même que de nombreux livres de cette période (je considère toujours comme une chance le fait de pouvoir lire un texte médiéval). Et si la mode est au roman historique – plaisant outil permettant à la fois de se divertir et de s’enrichir – , et notamment au roman médiéval, tous ne se valent pas, loin s’en faut. J’ai abordé ce livre avec cette joie de découvrir une autre histoire dans un espace-temps qui me sied.
Je place ce roman sur le haut du panier, autant le dire tout de suite. Mais qu’est-ce qui le différencie d’un autre, allez-vous me demander ? Son originalité. D’entrée de jeu, le lecteur est non seulement plongé dans le paysage médiéval mais également dans la langue puisque Martine Hermant a privilégié celle-ci dans les dialogues des personnages. Et je suis admirative, croyez-moi, devant le travail accompli. Je me dis qu’il a dû lui falloir un temps fou pour réussir ainsi à rédiger toutes les paroles dans cette langue certes admirable mais ô combien difficile puisqu’il existe des contraintes dues aux variantes. Mais bon, je ne suis pas là pour faire un cours de linguistique (je m’auto-censure car je me vois déjà dériver…). Alors, certes, il n’est pas évident au départ de comprendre tout de but en blanc mais je vous rassure : les termes sont traduits au bas des pages. Et au bout d’une dizaine, vous n’aurez même plus besoin de les regarder. Cela apporte une véritable valeur ajoutée dans ce roman puisque le lecteur ne peut pas être plus proche de ses personnages. Il est passé de l’autre côté du miroir, a fait un bond dans le passé.
Je le disais, le roman historique obtient un franc succès. Je classe celui-ci parmi mes préférés, au même titre que ceux de Bleuette Diot ou encore Jean-François Zimmermann. Et si tous ces auteurs font des romans aussi agréables, c’est parce qu’il y a un sacré travail derrière. La plume est là ensuite pour nous retranscrire leur passion pour cette période. Un grand merci chère Martine pour ce fabuleux texte !
Extrait :
La matinée était claire, d’un air vif qui trahissait la saison avancée. La gelée blanche pâlissait les champs et les fossés mais le soleil, gagnant en force, dissolvait progressivement la pellicule cristallisée pour rendre à l’herbe luisante son vert vigoureux. Il semblait à Lysandre qu’il en faisait autant sur son dos, ses rayons réchauffaient l’extérieur de sa chape qu’elle tenait bien serrée autour d’elle dans la douce tiédeur de sa fourrure de fouine. Elle dégagea son visage, encore rougi par le froid, du chaperon. Gilles devait éprouver pareil contentement car il ne tarda pas à dégrafer le sien du camail pour s’en débarrasser.
– Ah ! … s’exclama-t-il, avec satisfaction. Miels aime oreilles freschettes que de sorporter ça plus longues ! Proisme est la tempoire des pesants mantels : point ne nous encombrons desja. Las, je vais devoir porter cela orendroit…ajouta-t-il comiquement, que n’ai-je l’eur d’être plus avéros pour soldre porte-chape à mon aisement !
Se tournant vers Anieuse, un peu à l’arrière :
– Et toi, la belle, ne t’en chargierais-tu point ?
– Certes non ! répondit Anieuse avec aigreur.
Gilles émit un sifflement significatif et dit à Lysandre :
– Par saint Sulpice, vous avez là serve à avenante mine mais à mauvais contenement !
Lysandre, surprise, observait l’air hargneux d’Anieuse. Elle s’étonna plus encore quand elle la vit repousser avec violence le geste amical de Gilles qui lui caressa familièrement la joue. Elle s’était vivement reculée, fixant Gilles avec des yeux étincelants de haine. Poine grognait, le poil hérissé.
– Si m’ait Dieu : elle me charpirait la face si elle était chatte ! s’écria Gilles, contrefaisant la terreur.
Lysandre s’approcha doucement d’Anieuse, la considérant avec intérêt. Son incompréhensible colère donnait un relief inhabituel à son apparence d’ordinaire si fade.
– Et bien, Anieuse, qu’as-tu ? Messire Gilles ne t’a pas mestraitier, ce me semble… est-ce son querement qui t’engraignie ?
Anieuse secoua négativement la tête et s’empara sèchement du chaperon de Gilles. Puis, elle recula de nouveau hors de leur portée. Lysandre, la voyant si hostile, n’insista pas. Elle reprit le bras de Gilles en l’incitant à passer outre.

Je vous présentais, il y a quelques temps, le fabuleux roman d’inspiration médiévale de Martine Hermant, A Dieu ne plaise. C’est dans un tout autre style ici que nous retrouvons cette romancière. Autre style ? Si le côté médiéval a disparu ici, elle garde toujours son côté enchanteur. On se laisse bercer par les mots, on se fond dans l’histoire, on est enveloppé dans cette atmosphère mystérieuse. La puissance des mots fait de ce court roman un petit bijou.
Si le romantisme en est le thème principal, il est conjugué ici au sens premier du terme, sans mièvrerie. Le titre, Les Hauts de Rocherousse, se sera pas sans vous rappeler le célèbre roman d’Emily Brontë, roman phare de Martine Hermant qui n’a pas la prétention ici de le copier mais d’y rendre hommage. Et quel hommage ! Car si elle annonce dans sa préface qu’elle n’a pas l’intention de s’y mesurer, je peux dire que ses personnages, Landry et Athilie, ont autant de profondeur que Catherine et Heathcliff.
Les récits du Cézallier viennent clore ce recueil, sept courts textes, tous dédiés à un proche. Quel fabuleux cadeau ! Le style est plus moderne, ce qui permet de voir toute la palette du talent de cet écrivain (je trouve le féminin assez laid) qui mérite une attention particulière.
Extrait :
Découvrir Athilie, enveloppée dans ses vêtements couleurs de mousse et de bruyère qu’elle affectionnait tant et qui l’intégraient remarquablement au paysage me procura une émotion qui n’était plus d’ordre fraternel mais esthétique. Je pensais à une peinture préraphaélite et, lorsqu’elle se retourna, la joie illuminant son visage à ma vue, je reçus comme un choc la révélation de sa beauté ! C’était d’un effet trop puissant pour en appeler à la joliesse mais j’étais ébloui par sa séduction insolite : le contraste des longs cheveux fauves sur la pâleur ambrée de ce visage à la grâce farouche, que soulignaient les pommettes hautes, la bouche sensuelle, presque dure, le nez légèrement aquilin et, surtout, l’éclat de ses yeux dorés où résidait tout le rayonnement de son être, un regard à la fois lumineux et inquiet. Son attitude fière et la flexibilité de sa silhouette forçaient l’intérêt pour donner l’impression de surprendre un animal sauvage dans son habitacle naturel, prêt à détaler à la moindre alerte. Athilie était belle comme une renarde dont elle avait la rousseur, l’agilité, la souplesse, l’indépendance et l’impitoyable finesse.
Quatrième de couverture :
Ménuisel des Bois d’Hélode répond à un mystérieux appel qui va l’entraîner dans une aventure incertaine, où sa fonction de prêtresse de l’elme risque d’être mise à contribution dans de redoutables épreuves. Arvorc d’Ort le mercenaire, Odiem-Quin le voleur, Gwerdan de Falc’hon, à demi-humain, Ficheroc le nain et un grand loup d’érèbe seront ses compagnons de voyage dans la recherche d’une opale mythique ayant appartenu à Esthajiuz, le sorcier légendaire.
Un groupe d’aventuriers, un trésor, une quête : Martine Hermant prend plaisir à revisiter un grand classique pour l’acheminer vers une finalité initiatique qui l’est beaucoup moins. Elle s’inscrit dans la tradition romanesque des auteurs féminins de Fantasy qui apportent quelques grammes de délicatesse dans ce monde de brutes guerrières.
Mon avis :
La fantasy n’est pas le genre que je lis le plus mais étant complètement éclectique dans mes lectures, il m’est arrivé d’en lire et d’apprécier. C’est donc sans aucune vraie référence (ce qui est toujours bien puisque je ne suis pas parasitée par ces dernières) que je me suis lancée dans cette aventure, entrant directement dans ce monde sans aucun problème, comme si j’étais Ménuisel. Et hop, voilà que je me retrouve embarquée telle une phurana ayant reçu l’appel de l’elme (ah oui, il faut lire le livre pour comprendre). Je fonds de plaisir pour le grand méchant, le voleur Odiem-Quin… Je chevauche Noctuelle… Eh, oh, Lydia, réveille-toi !!! Tu n’es pas dans la forêt de grands sapins, tu ne découvres pas le ténébreux plateau de Hurlemort (clin d’œil à un précédent livre ?), tu n’es pas dans la grotte avec tes compagnons. Ah oui, mais pour me sortir de ce livre, il n’y a une qu’une seule solution : le refermer une fois atteinte l’ultime page (à regret d’ailleurs).
Vous l’avez compris, j’ai vraiment apprécié cette lecture au rythme endiablé et envoûtant.
Merci Martine pour ces très agréables moments qui nous permettent d’oublier pendant quelques heures le quotidien.
Extrait :
Il la regardait furtivement, par à-coups, alors que sa splendeur de phurana devait être irrésistible, mais il ne céda pas. Dans cette lutte, Gwerdan pouvait à peine la soutenir car les pulsions en présence étaient trop personnelles. Amusée malgré tout par tant d’entêtement, elle fut alors submergée par un immense flux affectif. Ce n’était plus la seule féminité séductrice qui appelait Odiem-Quin, mais une féminité plus large, infiniment généreuse, où toutes les formes de l’amour offertes par l’essence même de la femme s’abandonnaient à lui, avec la puissance bénéfique d’une aide absolue. Odiem-Quin leva enfin ses mains vers celles de Ménuisel et, lorsqu’ils les joignirent, leur union fut si bouleversante, empreinte d’une telle incroyable familiarité, qu’ils auraient tout oublié hors l’intensité de cet échange si Gwerdan n’avait pas veillé à les ramener vers le but originel : ils devaient se retrouver tous ensemble, partageant la même force.
Bientôt, dans l’obscurité acide de la nuit qu’une lune métallique transperçait de sa froide lactescence, un cercle fut formé, le loup d’érèbe couché en son centre. Mains réunies, toutes émotions confondues, ils s’affermirent, dérisoires mais puissants, contre la menace qui hurlait au-dessus de leurs têtes, prête à les assaillir au moindre signe de faiblesse.
Viviane et Jeanne appartiennent à une troupe de théâtre. Le spectacle du moment est « Le Dit d’Alleuze ». Un soir, Jeanne disparaît. On pense à une aventure amoureuse, une sorte de fugue… Mais Viviane refuse cette hypothèse : ce n’était pas le genre de son amie. Elle va mener son enquête, parallèlement à l’officielle, aidée par un historien…
Fidèle à elle-même, Martine Hermant nous entraîne, à travers une enquête qui aurait pu être banale et plate, dans ce monde qui lui est cher ; un monde oscillant entre le médiéval et le fantastique. Ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre ! Elle sublime un fait divers – une disparition – en nous entraînant dans ce domaine si particulier du spectacle et de la danse. Elle fait moultes références à une époque qui m’est si familière à force d’y travailler dessus. Les occurrences culturelles sont nombreuses et, ce qui est à souligner, elles sont parfaitement intégrées au roman et à l’histoire se déroulant sous nos yeux. C’est important car elles sont au service de l’écriture et n’interviennent pas comme un cheveu sur la soupe.
Je me suis vraiment amusée à lire ce roman qui, cerise sur le gâteau, est d’une fluidité très agréable.
Extrait :
Il y avait de la brume, une brume mouvante qui semblait s’alimenter de la présence du lac pour jouer avec les variations thermiques de l’air. Ces changements provoquaient des illusions dans les formes et on n’était sûr de sa vision qu’à l’approche, lorsqu’un détail se révélait et prenait une importance particulière à être appréhendé avec certitude. La vallée semblait ainsi n’avoir pas de limites à son étendue et y descendre suggérait de plonger dans un monde incertain. Au-dessus, la masse fantomatique du donjon n’apparaissait que pour se voiler un instant plus tard, immatériel et presque inconcevable. J’aurais pu éprouver de l’appréhension à me diriger ainsi sans repères mais il me venait un curieux sentiment d’allègement. A m’enfoncer dans l’isolement de la brume, laissant derrière moi les contraintes qui m’attendaient sous la lumière crue du matin levant, je me dissolvais dans une irresponsabilité bienheureuse, ma seule inquiétude étant de ne pas retrouver Jeanne. Je tentai de l’appeler mais ma voix ne portait pas, comme absorbée par l’environnement ouaté. Son timbre me parut presque incongru et je n’insistai pas, continuant d’avancer. Pour me heurter à un grand mur que je ne reconnus pas. Pourtant, une enceinte de cette taille ne devait pas passer inaperçue !

Quel recueil mes aïeux ! Si vous aimez les nouvelles et/ou contes, n’hésitez surtout pas ! Vous le savez, je lis assez peu de livres fantastiques. Il faut dire que je suis assez difficile concernant le genre. Mais je dois bien avouer que Martine Hermant le maîtrise à la perfection. Je me suis régalée. Quelle imagination, quelle inspiration et, surtout, quelle plume ! Elles sont toutes différentes même si le fil conducteur est inscrit dans le titre. On ne s’essouffle pas à la lecture. On en redemande même. Car on va au-delà de simples textes. Cherchez bien et vous trouverez des enseignements philosophiques derrière tout ceci.
Que dire de plus ? J’en reste sans voix. Bravo !
Extrait :
La nouvelle Archée (P78)
[…]
Le roi Arjon est perplexe. Il dévisage Ria sans animosité mais les propos que celle-ci vient de lui tenir ne sont pas de ceux qui laissent indifférent.
– Je vous respecte infiniment et n’ai jamais mis votre connaissance en doute, Gardienne de l’Air. Or, si j’en crois ce que disent nos prophéties, je n’ai guère le choix…
– Nous avons toujours le choix, dit Ria doucement, mais de nos décisions découlent les temps à venir…
[…]
Pingback: Les photos de Guillaume Hermant – Mes Promenades Culturelles II
Pingback: De Menet à Neuvialle – Les Ponts maudits – Philippe Roucarie – Mes Promenades Culturelles II
Pingback: Bufarelle – Thierry Ballay / Martine Hermant – Mes Promenades Culturelles II