
DIMANCHE 27 MAI : J’ai assisté à la dernière représentation de la semaine.
Lorsque j’avais lu pour la première fois Manoir sous haute tension sur l’île de Man, j’avais remarqué que Katia Verba écrivait pour deux types de destinataires : les lecteurs d’un côté et les spectateurs de l’autre. Car il était assez facile de s’imaginer le jeu des acteurs.
Cette pièce vient d’être mise en scène et le succès est tel que des représentations seront données à l’automne. Voilà qui n’est guère surprenant.
Le décor est conforme au texte et à l’idée que l’on peut se faire du salon d’un vieux manoir anglais. Le spectateur est de suite plongé dans un univers chaleureux… laissant bien vite la place à une atmosphère mystérieuse. Car la mise en scène a privilégié cet aspect de la pièce ce qui, à mon avis, est à la fois logique et judicieux. Le jeu des acteurs donne du corps à ces personnages se révélant tous plus machiavéliques les uns que les autres. Un jeu plutôt époustouflant d’ailleurs donnant un aspect noir à cette pièce policière. Le spectateur n’aura pas le temps de souffler : tout s’enchaîne et de rebondissement en rebondissement, la surprise va aller crescendo. Tout ceci est agrémenté par un réalisme à toute épreuve mis en exergue par des effets visuels et sonores : tempête, coupure de courant… ainsi que par un rythme endiablé. Bref, on s’y croirait… Quant aux références culturelles, elles sont également présentes : Hitchcock bien entendu, mais aussi, par certains côtés, Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot, d’après le roman de Boileau-Narcejac.
Un grand bravo aux acteurs, plus réalistes que jamais, ainsi qu’à Katia Verba, qui révèle ici à la fois ses talents d’actrice et de dramaturge.
Une pièce très vive, très dynamique à ne pas rater !
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Les autres avis sur cette pièce :
* Magazine Reg’Arts : cliquez ici.
* Post d’une chroniqueuse de la télé, IDF 1, Agata Siwakowska : cliquez ici.
Échec et mâle
Synopsis :
Deux hommes ont enlevé la fille de la présidente d’un groupe financier. Ils séquestrent la jeune femme dans un squat de la place des Vosges, à quelques encablures du domicile de leur « cible ». Cependant, la jeune captive se montre si sympathique et attachante que les ravisseurs mollissent… Pour couronner le tout, la mère, détestable à souhait, rechigne à verser la rançon réclamée… Rien ne se passe comme prévu entre ces quatre-là. L’arrivée d’un individu cocasse va encore pimenter l’affaire.
Mon avis :
Rien n’est plus difficile pour le dramaturge que de se renouveler. Difficile en effet, en un temps restreint, de faire évoluer des personnages, une histoire qui tenant la route. Katia Verba, que je ne présente plus puisqu’il s’agit de la quatrième pièce dont je fais le billet, y arrive pourtant avec brio. Ses personnages évoluent sans cesse pour la plus grande joie non seulement des lecteurs mais encore des spectateurs car ses textes sont très facilement adaptables. D’ailleurs, encore une fois, en lisant Échec et mâle, je m’imaginais la mise en scène. Comme l’indique le titre, l’humour est toujours présent, ce qui est assez caractéristique de son auteur (et attendu par le lecteur). Si les protagonistes étaient plus en retenue dans les trois premières pièces, ils se lâchent complètement ici pour acquérir encore plus de profondeur et de dynamisme. Katia Verba reprend ce genre qui lui est favori, le huis-clos. Il n’en demeure pas moins qu’elle sait, avec un art incontesté, surprendre son auditoire. Ainsi, dans ce squat situé près de la place des Vosges, on va pouvoir assister à un enlèvement, un bandit homosexuel, Benoît Brigandin (on admirera le nom qui lui est donné) se laissant attendrir par Maryline de La Frange, celle qu’il doit surveiller afin de demander une rançon, un conflit mère-fille, j’en passe et des meilleures ! Le ton est résolument moderne, le déroulement vif, ne laissant aucun temps mort.
Un très très bon moment de lecture que je ne puis que vous conseiller. Je reste persuadée que Katia Verba va en réconcilier plus d’un avec cet art que certains, à tort, considère souvent, car mal connu, comme rébarbatif. Chapeau l’Artiste !
Extrait :
Maryline : Vous voulez demander cinquante mille euros à ma mère … alors que vous pourriez en demander le double !
Raphaël et Benoît : Le double ?
Maryline : Mais oui.
Raphaël et Benoît : Cent mille euros ?
Maryline : Mais oui, cent mille euros ! Qu’est-ce que cent mille euros ? Pas grand-chose. Surtout pour elle : elle est bourrée aux as ; profitez-en, ça lui donnera une bonne leçon !
Benoît : Alors là, Maryline, vous me la coupez !
Raphaël : J’ai pigé !… La petite maline… J’imagine qu’elle veut sa part du magot ?
Maryline : Pas du tout. Je m’en tape du fric. J’ai ce qu’il faut. Un jour, j’hériterai de sa fortune ; enfin, de ce qu’il en reste… Car, si elle se montre radine pour les autres, pour elle, ce n’est pas du tout la même chose. Elle est dépensière. Je vais donc passer ce coup de fil avec plaisir.
Fatalement vôtre
Synopsis :
Edouard Delaroche dirige un important groupe international ; il est marié depuis treize longues années à la très séduisante Virginie.
Ils sont épaulés au quotidien par la pétillante Jacotte, la bonne, qui aime beaucoup Madame et un peu moins Monsieur, souvent absent.
Quand Edouard Delaroche invite Luc Silvère, qui compte parmi ses plus fidèles collaborateurs, celui-ci, ravi, s’attend à une promotion… Mais il n’en sera rien. Edouard a convié son subordonné pour d’autres raisons, que Luc Silvère ne tardera pas à découvrir.
Mon avis :
Cinquième pièce de Katia Verba, dramaturge insufflant une bouffée d’air frais dans le monde du vaudeville, Fatalement Vôtre ne ressemble en rien aux autres. Pourquoi me direz-vous ? Le vaudeville est là, le huis-clos également… Certes, mais le changement se produit au niveau du style. Katia Verba s’est libérée du « carcan » de ses références culturelles (je n’aime pas ce mot « carcan », péjoratif pour faire référence à de la culture, mais vous comprenez ce que je veux dire). Le lecteur peut ainsi connaître son véritable trait de plume. Sans retenue, elle lâche enfin sa bride pour faire évoluer ses personnages qui n’en prennent que plus d’ampleur et de profondeur. Oserais-je dire qu’ils lui échappent presque pour prendre vie sans qu’elle n’en tire les ficelles ? C’est bien l’impression qu’ils donnent en tous les cas et n’est-ce pas là la marque des grands auteurs ?
Bref, vous l’avez compris, voici encore une excellente pièce qui mérite d’être jouée au plus vite sur scène.
Mon dernier mot ? Courez l’acheter !
Extrait :
Jacotte : Je me permets de rappeler à Monsieur que, ce soir, je ne serai pas là pour assurer le service. Je vais au cinéma.
Édouard : Au cinéma ? Et qu’allez-vous voir ?
Jacotte : Un thriller : Ce soir je tue mon maître.
Édouard : Eh bien, que cela ne vous donne pas des idées…
Jacotte : Sait-on jamais !
Édouard : Vous aimez le cinéma, vous ?
Jacotte : Mais bien sûr et j’aime aussi tout particulièrement le théâtre.
Édouard : Je comprends mieux, alors, vos envolées théâtrales.
Jacotte : J’ai même joué, une fois, un petit rôle… Attendez, comment s’appelait cette pièce déjà ? Ah oui : Elle a la guigne ma copine.
Édouard : Du grand art ! Et qui a écrit cette merveille ?
Jacotte : Aucun souvenir ; un inconnu célèbre ! Et puis vous savez, je n’ai aucune mémoire des noms.
Édouard : La mémoire, cela se cultive !
Jacotte : C’est ça, je l’arrose tous les matins au petit-déjeuner. Et puis franchement, ce n’est pas important le nom de l’auteur.
Édouard : Pas important dites-vous ? Mais c’est fondamental. Ce sont eux qui écrivent les textes.
Jacotte : Vous voulez mon point de vue ?
Édouard : Non, mais je sens que vous allez me le donner.
Jacotte : Eh bien, moi, je dis que s’il n’y avait pas les comédiens pour jouer leur pièce, ils seraient bien dans la merde.
DIMANCHE 16 MARS 2014 :
Délibérément, je n’ai pas relu le texte que j’avais chroniqué en février 2012 en me rendant à la dernière séance du vaudeville de Katia Verba, Fatalement vôtre, hier, samedi 15 mars. Et bien m’en a pris car j’ai eu cette divine sensation de découvrir pour la première fois l’histoire !
Alzheimer ? Non, bien évidemment ! Mais on ne m’ôtera pas de l’idée qu’une pièce jouée donne une autre ampleur au texte, aussi brillant soit-il sur le papier. Et en parlant de brillance, le mot est faible concernant le jeu des acteurs. Qui pourrait imaginer que la plupart sont des amateurs ? Ils ont porté, avec talent, la pièce. Thomas Alemano, qui jouait le rôle principal, celui d’Edouard Delaroche, a été d’un naturel sans nom. Il a fluidifié l’histoire qui coulait de source, sans en rajouter. Excellent, il fut excellent ! Tout y était : les attitudes, les mimiques… Il incarnait vraiment son personnage. L’actrice qui incarnait son épouse était pétillante, ce qui a provoqué une belle surprise finale. Jérome Citras et Florence Pasquier, tenant respectivement les rôles de Luc Silvère et de sa pseudo épouse, ne s’en sont pas moins bien tiré. Quant à Anne-Marie Laquièze, jouant la bonne, Jacotte, elle fut également très naturelle et apporta un certain dynamisme.
Le décor était bien choisi. Il respectait à merveille le huis-clos qu’avait voulu son auteur pour faire évoluer ses personnages. L’humour fut mis en avant et j’ai pleuré trois fois de rire, c’est pour dire ! La musique, de Guiseppe Adamo, cadrait parfaitement avec l’ambiance. La direction d’acteurs, assurée par Benjamin Castaneda, qui avait déjà œuvré pour l’excellente pièce Manoir sous haute tension sur l’île de Man, a porté ses fruits.
Katia Verba a relevé le défi de faire rire son public tout en lui proposant quelque chose qui, au final, se révèle être dramatique. La chute, véritable surprise pour le spectateur, explique le titre. Du grand art ! Un grand, très grand bravo !
La critique du magazine des Arts, Reg’Arts, est ici.
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