Mellin de Saint-Gelais

Cet homme d’esprit, né en 1487 à Angoulême et mort en 1558 à Paris fut, à la cour de François Ier, puis d’Henri II, l’émule des poètes pétrarquistes italiens qu’il connaissait bien. Fils naturel d’un marquis, il appartenait à la petite noblesse. Son éducation est due, pour une bonne partie, à son oncle, Octavien, évêque mais également poète et traducteur de l’Enéide. Mellin (dont le prénom proviendrait d’une erreur orthographique et serait, en réalité, Merlin) alla étudier en Italie, notamment à Padoue et à Bologne. Il sut se faire connaître par les Grands par ses talents de médecin mais aussi de poète et de musicien.

Un incident fit qu’il tomba dans l’oubli: n’acceptant pas ceux qui innovaient en poésie, il lut d’une façon ridicule, devant Henri II, les Odes de Ronsard. Marguerite de Valois, sœur du roi, n’en supporta pas davantage, lui retira les textes et les lut elle-même. Il n’en fallait pas plus pour que Du Bellay ne se moquât de ce poète qui était pour lui un adversaire.

*****

 

D’un Charlatan

Un charlatan disait en plein marché
Qu’il montrerait le diable à tout le monde ;
Si n’y eût nul, tant fût-il empêché,
Qui ne courût pour voir l’esprit immonde.
Lors une bourse assez large et profonde
Il leur déploie, et leur dit :  » Gens de bien,
Ouvrez vos yeux ! Voyez ! Y a-t-il rien ?
– Non, dit quelqu’un des plus près regardants.
– Et c’est, dit-il, le diable, oyez-vous bien ?
Ouvrir sa bourse et ne voir rien dedans.  »

 

*****

 

Sonnet à Ronsard

Après une querelle assez vive en mai ou en juin 1550, les deux poètes s’étaient réconciliés le 1er janvier 1553. Ce sonnet est postérieur au Bocage de 1554, aux Mélanges et à la Continuation des Amours de 1555, dans lesquels Ronsard avait renouvelé sa manière et adopté un style plus simple et plus enjoué.

Entrant le peuple en tes sacrez bocaiges,
Dont les sommez montent jusques aux nues
Par l’espesseur des plantes incognues,
Trouvoit la nuict en lieu de frez umbraiges.

Or te suivant le long des beaux rivaiges
Où les neuf seurs à ton chant sont venues,
Herbes, et fruitz, et fleurettes menues
Il entrelace en cent divers ouvraiges.

Ainsy, Ronsard, ta trompe clair sonnante
Les forestz mesme et les mons espouvente
Et ta guiterne esjouit les vergiers.

Quand il te plaist tu esclaires et tonnes,
Quand il te plaist doulcement tu resonnes,
Superbe au Ciel, humble entre les bergiers.

Un autre poète marotique, vers la même époque, avait félicité Ronsard par un quatrain. Il s’agissait de Charles Fontaine:

Ne crains, ne crains Ronsard, ce doux style poursuivre,
Style qui te fera non moins que l’autre vivre:
Autre, obscur et scabreux, s’il ne fait à blâmer,
Si se fait-il pourtant trop plus craindre qu’aimer.

 

*****

 

A Clément Marot

D’un seul malheur se peult lamenter celle
En qui tout l’heur des astres est compris
C’est (ô Clement) que tu ne fuz espris
Premier que moy de sa vive estincelle.

Son nom cogneu par ta veine immortelle,
Qui les vieux passe, et les nouveaux espritz,
Apres mil ans seroit en plus grand pris
Et la rendroit le temps tousjours plus belle.

Peussé je en toy mettre au moins de ma flamme,
Ou toy en moy de ton entendement,
Tant qu’il suffit à louer telle Dame,

Car estans telz, nous faillons grandement :
Toy de pouvoir un aultre subject prendre,
Moy d’oser tant sans forces entreprendre.

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