
Quatrième de couverture :
« Des bribes de conversations me reviennent en mémoire… Quelqu’un m’exhorte : – Vous ne devez pas oublier que ce n’est plus votre mari, l’homme aimé qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. Vous n’êtes pas suicidaire. Prenez-vous en main ! » Tchernobyl. Ce mot évoque dorénavant une catastrophe écologique majeure. Mais que savons-nous du drame humain, quotidien, qui a suivi l’explosion de la centrale ? Svetlana Alexievitch nous fait entrevoir un monde bouleversant celui des survivants, à qui elle cède la parole. Des témoignages qui nous font découvrir un univers terrifiant. L’événement prend alors une tout autre dimension. Pour la première fois, écoutons les voix suppliciées de Tchernobyl.
Mon avis :
Ce livre m’a touchée. Tous ces témoignages convergent vers cette idée d’impuissance mais aussi d’inexpérience, de vérité cachée. Lorsque le 26 avril 1986, un accident se produit à la centrale de Tchernobyl, on envoie les pompiers, comme s’il s’agissait d’un simple incendie. Les pauvres hommes vont ainsi se confronter à la radioactivité, marcher sur ces particules vectrices de mort, respirer à plein poumon la nocivité incarnée. La population, laissée volontairement dans l’ignorance va avoir deux réactions : les courageux vont êtres volontaires pour aller « nettoyer » le sol. Les autres ne voudront pas, pour la plupart, quitter leur maison lorsqu’on évacuera. Car la pollution ne se voit pas, et c’est bien là le problème. Les gens ne comprennent pas pourquoi, d’un seul coup, ils ne peuvent plus boire le lait de leurs vaches, manger les pommes de terre de leur jardin ou les volailles de leur poulailler. Tout a l’air si beau, si sain…
De même, beaucoup de témoignages comparent cela à la guerre. Mais ici, elle est invisible et c’est ce qui les dérange. Dans un conflit, on connaît l’ennemi et on choisit de le combattre. Là, les informations arrivent par bribes. On sait, on sent qu’on va mourir… Mais pourquoi ?
J’avais déjà lu l’excellent livre de Cécilia Colombo, Pripyat, vert comme l’enfer. Celui-ci complète les données. Un conseil : gardez une boîte de mouchoirs à portée de main !
Extrait :
J’avais envie de rester seule avec lui, même seulement une minute. Les autres le sentirent et chacun inventa une excuse pour sortir dans le couloir. Alors je l’enlaçai et l’embrassai. Il s’écarta :
– Ne t’assieds pas près de moi. Prends une chaise.
– Mais ce n’est rien. (Je fis un geste de dérision avec le bras.) As-tu vu où s’est produite l’explosion ? Qu’est-ce que c’était ? Vous étiez les premiers à arriver…
– C’est certainement un sabotage. Quelqu’un l’a fait exprès. Tous nos gars sont de cet avis.
C’est ce que l’on disait alors, ce qu’on pensait.
Le lendemain, à mon arrivée, ils étaient déjà séparés, chacun dans sa chambre. Il leur était catégoriquement interdit de sortir dans le couloir. D’avoir des contacts entre eux. Ils communiquaient en frappant les murs : point-trait, point-trait… Les médecins avaient expliqué que chaque organisme réagit différemment aux radiations et que ce que l’un pouvait supporter dépassait les possibilités de l’autre. Là où ils étaient couchés, même les murs bloquaient l’aiguille des compteurs. A gauche, à droite et à l’étage en dessous… On avait dégagé tout le monde et il ne restait plus un seul malade… Personne autour d’eux.
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