
Fiche faite le 20/06/2013
De Goethe, on ne connaît souvent qu’un roman : Les souffrances du jeune Werther. Pourtant, ce fut un écrivain prolixe qui se risqua à essayer tous les genres : roman, poésie, théâtre…
Les Bonnes Femmes est le titre d’une courte nouvelle parue en 1800. Elle met en scène un cercle, comme il pouvait en exister à l’époque. On médite sur la caricature. Certains ne comprennent pas à quoi cela peut servir. Puis, comme dans toute conversation, on se perd, on digresse et on passe à une discussion sur les chiens. Mais il y a bien un fil conducteur mine de rien puisque l’on considère dans ce club très sélect que les chiens sont la caricature des hommes.
On pourra voir dans ce texte une certaine critique de la société de l’époque. En reprenant les prénoms rappelant les Précieuses et les Précieux du XVIIe siècle (Armidore, Arbon, pour ne citer qu’eux), on sent bien le parallèle qui peut être fait entre les salons d’un côté et les cercles de l’autre. On parle, souvent pour ne rien dire et, surtout, on se montre. Le paraître est roi, quitte à être ridicule aux yeux de ceux qui n’appartiennent pas à cette classe (si on peut appeler cela ainsi). Le thème traité est bien pauvre. Pourtant, les différents personnages semblent ne pas le remarquer. La conversation finira sur le rôle des femmes. Je me demande si cela n’a pas un rapport avec sa vie privée. En effet, à cette époque, Goethe subissait les foudres de ses contemporains pour s’être acoquiné avec Christiane Vulpius, femme qui, outre la sexualité débridée, savait tout faire. Les critiques n’y allèrent pas de main morte. Ainsi, Thomas Mann par exemple, la traita de « beau morceau de viande inculte ». Les caricatures allaient bon train. Voilà pourquoi je pense que cette nouvelle trouve ses sources dans la sphère privée de l’auteur.
Extrait :
SINCLAIR.
Ainsi donc le résultat de tous ces soins, de cet amour et de cette fidélité, fut la domination. Je voudrais bien savoir jusqu’à quel point on est fondé à soutenir que les femmes sont, en général, si jalouses de dominer.
AMÉLIE.
Voici déjà le reproche, qui arrive d’un pied boiteux derrière la louange !
ARMIDORE.
Dites-nous là-dessus votre pensée, bonne Eulalie : j’ai cru remarquer dans vos écrits que vous ne faites pas de grands efforts pour justifier votre sexe de ce reproche.
EULALIE.
En tant que ce serait un reproche, je voudrais que notre sexe l’écartât par sa conduite ; mais, en tant que nous avons aussi un droit à l’autorité, je n’aimerais pas à voir qu’il subît quelque atteinte. Si nous cherchons à dominer, c’est seulement comme créatures humaines : qu’est-ce en effet que dominer, dans le sens que nous donnons ici à ce mot, sinon déployer son activité à sa manière et sans obstacle, et jouir de son être autant qu’il est possible ? C’est là ce que l’homme grossier demande avec caprice, l’homme civilisé, avec une liberté loyale ; et peut-être cette tendance se montre-t-elle chez la femme avec plus de vivacité, uniquement parce que la nature, la tradition, les lois, semblent nous léser autant qu’elles favorisent les hommes. Ce qu’ils possèdent, il nous faut le conquérir, et les choses que l’on obtient par une lutte, on les garde avec plus d’opiniâtreté que celles dont on hérite.
SEYTON.
Cependant les femmes ne peuvent plus se plaindre : elles héritent, dans le monde actuel, autant et plus même que les hommes ; et je soutiens qu’il est aujourd’hui beaucoup plus difficile d’être un homme accompli qu’une femme accomplie. La maxime : « Il sera ton seigneur, » est la formule d’un temps barbare, bien éloigné de nous. Les hommes ne pouvaient se développer complètement sans accorder aux femmes les mêmes droits : tandis que les femmes se développaient, la balance restait en équilibre, et, comme elles sont plus susceptibles de développement, dans la pratique, la balance incline en leur faveur.
ARMIDORE.
Il n’est pas douteux que, chez toutes les nations civilisées, les femmes doivent, en somme, arriver à la prépondérance. Car, par une influence réciproque, l’homme doit s’efféminer, et il perd, attendu que son avantage ne consiste pas dans une force modérée, mais dans une force domptée ; si, au contraire, la femme emprunte quelque chose de l’homme, elle gagne ; car, si elle peut relever ses autres avantages par l’énergie, il en résulte une nature aussi parfaite qu’on puisse l’imaginer.
SEYTON.
Je ne me suis pas engagé dans des réflexions si profondes ; cependant j’admets, comme chose reconnue, qu’une femme commande et doit commander : aussi, quand je fais la connaissance de quelque dame, j’observe seulement où elle domine, car je suppose toujours qu’elle domine quelque part.
AMÉLIE.
Et vous trouvez ce que vous supposez ?
SEYTON.
Pourquoi pas ? Les physiciens et tous ceux qui s’occupent d’expériences ne sont pas d’ordinaire beaucoup plus heureux. Je trouve généralement que la femme active, née pour acquérir et conserver, est maîtresse au logis ; que la belle, d’une culture légère ou superficielle, domine dans les grandes assemblées ; que celle dont la culture est plus approfondie règne en petit comité.
AMÉLIE.
Ainsi nous serions divisées en trois classes.
SINCLAIR.
Toutes assez honorables, ce me semble, et qui d’ailleurs n’épuisent pas la matière. Il est, par exemple, une quatrième classe, dont il vaut mieux ne point parler, afin qu’on ne nous reproche pas encore que nos éloges finissent nécessairement par se tourner en blâme.
Intéressant…
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😉
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♫ Quoi ma Goethe, qu’est-ce qu’elle a ma Goethe ♪
Oui, je suis lessivée, je vais aller me faire du café et j’espère revenir en meilleure forme avec de l’humour qui volera plus haut que le derrière d’un cochon 😆
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😂😂😂😂😂
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