Feuilles d’herbe – Walt Whitman

Walt Whitman [XIXe s ; Etats-Unis] Image

Vous connaissez ce poète américain, j’en suis presque sûre. Le Cercle des poètes disparus, ça vous parle ? Que répétait le professeur Keating ? « Ô Capitaine, mon Capitaine ! » Eh bien voilà, nous y sommes ! Il s’agissait d’un poème de Whitman dédié à Abraham Lincoln.

Dans ce recueil, cet écrivain du XIXe siècle va surprendre par les thèmes traités. En effet, là où il était bon de faire dans le romantique, le symbolique, le métaphorique, le spirituel, bref, tout ce qui définissait un poème dans la norme, Whitman va s’attaquer au moins noble, au moins pur : le quotidien, le matériel, la chair… Le style est plutôt vindicatif. On sent qu’il veut révolutionner la poésie « pompeuse » pour en faire quelque chose de plus moderne. D’entrée de jeu, le ton est donné dans ce petit texte intitulé Mon Legs :

A vous, qui que vous soyez, (en baignant de mon
souffle cette feuille-ci, pour qu’elle lève — en la
pressant un moment de mes mains vivantes ;
— Tenez ! sentez à mes poignets comme bat mon

pouls ! comme le sang de mon cœur se gonfle et
se contracte !) Je vous lègue, en tout et pour tout. Moi-même, avec
promesse de ne vous abandonner jamais,
En foi de quoi je signe mon nom.

Provocateur, il précise dans sa Chanson de l’Universel :

Viens, me dit la Muse
Chante-moi un chant qu’aucun poète ne m’a encore chanté,
Chante-moi l’universel.
Au cœur de cette vaste terre
Au fond même des grossièretés et des scories
sûrement enseveli dans son cœur,
germe le grain de la perfection.

J’avoue que ce côté rebelle m’a plu. Allez, pour finir, le fameux texte dont je parlais au tout début de ce billet :


Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,
Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j’entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l’audacieux et farouche navire ;

Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Oh ! les gouttes rouges qui lentement tombent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.

Ô Capitaine ! mon Capitaine ! lève-toi et entends les cloches !
Lève-toi – c’est pour toi le drapeau hissé – pour toi le clairon vibrant,
Pour toi bouquets et couronnes enrubannés – pour toi les rives noires de monde,
Toi qu’appelle leur masse mouvante aux faces ardentes tournées vers toi ;

Tiens, Capitaine ! père chéri !
Je passe mon bras sous ta tête !
C’est quelque rêve que sur le pont,
Tu es étendu mort et glacé.

Mon Capitaine ne répond pas, pâles et immobiles sont ses lèvres,
Mon père ne sent pas mon bras, il n’a ni pulsation ni vouloir,
Le bateau sain et sauf est à l’ancre, sa traversée conclue et finie,
De l’effrayant voyage le bateau rentre vainqueur, but gagné ;

Ô rives, Exultez, et sonnez, ô cloches !
Mais moi d’un pas accablé,
Je foule le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.

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Le goût de Lyon – Gilbert Vaudey

Encore une fois, un grand merci à Soene pour cette belle découverte. Non seulement elle m’a fait découvrir cette ville si chère à son coeur mais en plus elle m’a offert cet ouvrage qui me rappelle à chaque texte cette belle journée.

À travers les textes d’auteurs de différentes époques, on voyage, on se balade, on découvre, on contemple Lyon…

Mais il n’y a pas que des textes positifs. Ainsi, Flora Tristan (encore quelqu’un qui se trouvait dans mon dossier du concours… concours passé à Lyon si vous vous souvenez… Décidément, les coïncidences…) n’a pas apprécié au premier abord cette ville : « La première impression m’a été pénible, très désagréable et a jeté dans mon âme un sentiment de tristesse et de rage indéfinissable. L’aspect de ces maisons-casernes, toutes uniformément sombres, noires et sans la moindre élégance ni la plus petite richesse, a présenté immédiatement à mon esprit la misère, la souffrance et le dur labeur de la classe ouvrière renfermée dans cette ville » (P35) Elle décrit Lyon en 1844, on peut facilement imaginer qu’en pleine Révolution Industrielle, les quartiers ne devaient certainement pas ressembler à ce qu’ils sont aujourd’hui. Et pour cette femme si attachée à la condition ouvrière, on peut se mettre aisément à sa place et voir les choses autrement.

Mais finissons sur une note positive avec le poème de Joachim du Bellay (P28-29) :

Scève, je me trouvai comme le fils d’Anchise 
Entrant dans l’Élysée et sortant des enfers,
Quand après tant de monts de neige tous couverts
Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise.

Son étroite longueur, que la Saône divise, 
Nourrit mille artisans et peuples tous divers :
Et n’en déplaise à Londre, à Venise et Anvers, 
Car Lyon n’est pas moindre en fait de marchandise.

Je m’étonnai d’y avoir passer tant de courriers, 
D’y voir tant de banquiers, d’imprimeurs, d’armuriers, 
Plus dru que l’on ne voit les fleurs par les prairies.

Mais je m’étonnai plus de la force des ponts 
Dessus lesquels on passe, allant delà les monts, 
Tant de belles maisons et tant de métairies.

Le goût des chats – Jacques Barozzi

Je commencerai ce billet en remerciant Soene pour ce joli cadeau. Si vous me suivez, vous savez que j’aime les chats. J’en ai toujours eu, même s’il ne faut pas dire à Max qu’il n’est pas le premier 😄.

Cet animal de compagnie, considéré la plupart du temps comme un membre à part entière de la famille (c’est le cas chez nous), a souvent élu domicile chez les écrivains. Tout le monde a en tête le poème de Baudelaire ou sait que Colette, par exemple, les adorait. Ils en parlent superbement et c’est un vrai plaisir que de lire ce petit ouvrage.

Je finis ce billet avec une citation de l’écrivain Louis Nucéra : « Aimer les chats, c’est être du bon côté une fois pour toute. C’est abolir les vieilles superstitions. » (P15)

À coeur ouvert – Marie Val

Date de parution : le 20 mai 2021

Cet ouvrage est un recueil de poèmes. Comme l’indique le titre, Marie Val va se livrer à travers son écriture et une poésie très contemporaine. En peu de mots, on comprend que la plume l’aide à se libérer d’angoissantes choses vécues.

Cette façon de versifier, en langage courant, simple, parfois un peu familier, permet de s’adresser à un public très large. Les blessures sont ainsi partagées. Mais cela permet également de montrer qu’on peut surmonter tout cela, quel que soit le moyen choisi.

Bravo pour cela !

Sur le plan littéraire, il y a bien quelques imperfections, dans la métrique ou dans l’orthographe. Mais je ne pense pas que le but recherché soit de concurrencer Baudelaire ou de faire quelque chose d’absolument parfait. Ce recueil est celui du coeur, d’un coeur blessé qui se reconstruit, d’un coeur généreux qui s’ouvre à nous.

Challenge Les textes courts. 

Genre : Recueil poétique

Auteur : Marie Val

Pays : France

Nombre de pages : 68

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Tragédies salutaires – Dario Bicchielli

Dario Bicchielli [XXe-XXIe s / Belgique ; Nouvelles] Image

Quatrième de couverture :

Amour et haine, liberté et oppression, éveil et repos, vie et mort, des mondes antagonistes aux frontières subtiles et capricieuses. Dans ce recueil, ces univers se côtoient sans cesse, se chevauchant et s’alternant au gré des péripéties de parfaits antihéros dont l’anonymat transcende les forces et les faiblesses de la condition humaine. 
« Tragédies salutaires » est le premier livre d’un jeune auteur à la plume cinglante et pourvue d’ironie. Teintées d’humour et de cynisme, ses nouvelles relatent les déboires de personnages attachants aux histoires étonnantes, détonantes et riches en rebondissements.

Mon avis : 

La première nouvelle commence comme une nouvelle de science-fiction que j’avais lue il y a bien longtemps (et dont je suis incapable de me remémorer le titre), ce qui a attiré mon attention. Mais là s’arrête la comparaison car il ne s’agit pas du tout de science-fiction ici mais bien plutôt d’une nouvelle très mordante. Imaginez plutôt : vous vous réveillez de bon matin, vous entendez du bruit au rez-de-chaussée, vous vous levez et vous vous prenez un bon coup de crosse sur le coin du nez (ou plutôt de l’arcade)… Douloureux comme réveil, hein ? Mais si l’agresseur n’était pas celui que vous pensiez ?  
On notera dans ce texte le suspense rendu par les multiples interventions du narrateur. Le ton, associant envolées soutenues et vocabulaire familier, donne une atmosphère à ce court récit très réussi.

La deuxième nouvelle est radicalement différente. Elle nous présente Jack Madison, jeune homme à qui tout souriait et qui aurait pu faire carrière dans le base-ball s’il n’y avait pas eu cette satanée rupture sentimentale à la suite de laquelle il décida de prendre part à la guerre du Viêt Nam… Encore une fois, je n’ai pas vu venir la chute. Dario Bicchielli bichonne son final, croyez-moi ! Il sait surprendre. S’ensuivent quelques « entractes » de haute tenue démontrant, s’il le fallait, que l’auteur sait jouer avec l’humour et les mots.

La troisième nouvelle a pour décor le monde hospitalier. Link va bientôt s’endormir pour l’éternité. Avant cela, il nous offre un grand voyage. Texte très émouvant mais qui donne à réfléchir. Enfin, après un deuxième interlude, la quatrième nouvelle nous projette dans les pensées d’une personne qui, soudain, se retrouve paralysée et se livre à une réflexion intérieure. Enfin, la dernière histoire met en scène l’ennemi public n° 1. Le recueil se termine par de la poésie et l’on pourra remarquer à quel point l’auteur jongle entre prose et poésie, sans filet.

Je ne peux que vous conseiller ce livre brillant, puissant, provocateur et accrocheur ! Je ne suis pas sortie de ma lecture jusqu’à l’ultime page.

Ce recueil entre également dans le challenge de Sharon :