Les romans de Jean-François Zimmermann

L’Apothicaire de la rue de Grenelle

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Résumé :

Nous sommes à Paris, au XVIIème siècle, quelques années avant la révocation de l’Édit de Nantes.

Alexandre Lasalle, médecin et apothicaire, est sans illusion sur l’efficacité de la médecine enseignée par la Faculté : « le bon remède est celui qui ne cause aucun tort au malade », dit-il. Son humanisme l’amènera à pratiquer l’alchimie – cet art qui commerce avec le diable – pour découvrir l’or potable, le remède universel.

Il entraînera ses proches dans cette quête illusoire. Son appartenance à la Religion Réformée bouleversera sa vie. Il sera mêlé à des intrigues menaçant la sécurité du royaume et connaîtra les geôles de la Bastille. Martin, son fils, bouillant et intrépide duelliste, sera injustement condamné aux galères, où il fera l’apprentissage de la violence. Il ne survivra que pour satisfaire à son appétit de vengeance.

Sur le canevas de ce Paris cruel et inquiétant, aux rues grouillantes où se croisent misère et opulence, et que l’auteur fait revivre d’une plume colorée, se tisse le destin de cette attachante famille, marqué par l’amour et la haine.

Mon avis :

Alexandre Lasalle est un médecin-apothicaire peu conventionnel : il est à la recherche de l’or potable et, qui plus est, il est protestant. Autant de points négatifs dans ce siècle où les huguenots ne sont pas les bienvenus. Avec Gabrielle, sa femme, il aura deux fils : Martin, l’aîné et Paul, le petit dernier, qui souffrira toujours de ne pas être aimé comme son aîné. Inconsciemment ou non, Alexandre l’accuse d’être celui qui a provoqué la mort de sa Gabrielle chérie. Ceci dit, Alexandre avait beau aimer sa femme, il lui avait été tout de même infidèle avec la marquise Anne de La Peyrrière, belle en diable. Gabrielle l’avait deviné et, à la naissance de son dernier fils, s’était laissée mourir. Le médecin va donc élever seul ses deux enfants, avec l’aide de Jeanne, la nourrice du petit Paul. Celle-ci deviendra très vite sa femme, ce qui ne fut pas bien vu de tout le monde. Mais Alexandre se moque éperdument de tout ce que peuvent dire les gens. Il n’a qu’une passion, qu’un idéal : l’alchimie. Il est soutenu d’ailleurs par Martin.

Ce dernier, en grandissant, se montre prompt au combat, ce qui lui vaudra des déboires. Sur le plan amoureux, il a jeté son dévolu sur Élizabeth, fille d’Anne de La Peyrrière. L’attirance est réciproque. Anne se sent dès lors obligé d’avouer à Alexandre qu’il en est le père. Pour éloigner les amoureux sans rien leur dire, on envoie Martin étudier la médecine à Montpellier. La lutte contre les protestants, en ce XVIIe siècle, se fait de plus en plus violente. Martin aura le malheur de croiser le fer avec un des amants d’Anne de La Peyrrière, Blaise. Pour se venger, ce dernier attend d’avoir la charge de la lieutenance du roi à la Bastille pour envoyer Martin aux galères. Il ne veut pas abjurer ce qui ne lui rendra pas la vie facile. A Paris, la maison de son père est incendiée, seul le petit Paul s’en est sorti. Tout le travail d’Alexandre est parti en fumée et une cassette contenant trois mille écus et les secrets de la Pierre philosophale a été volée… Je ne vais pas plus loin pour ne pas tout dévoiler.

Voici un livre qui est intéressant à plus d’un titre. Pour l’histoire tout d’abord qui permet de nous replonger dans ce XVIIe siècle tourmenté par les religions et dans ce que j’appelle « les coulisses de ce siècle » avec le monde très secret des alchimistes (qui perpétuent cette discipline), les mœurs, les courtisans, le libertinage, les galériens etc… On apprend énormément de choses et je salue le travail de l’auteur qui s’est documenté et a su mettre en scène de façon très naturelle l’Histoire avec un grand H.

Ce qui est également intéressant, c’est la structure du récit : divisé en 21 chapitres, ce roman contient trois parties : La première est consacrée à Alexandre, la deuxième à Martin et, la troisième, à un retournement de situation. Et cette troisième partie est extraordinaire. Je m’explique : les parties ne sont pas homogènes, ce qui fait que la deuxième va jusqu’au chapitre 20. Il ne reste plus que 56 pages. Le lecteur se dit alors qu’Alexandre est mort et que le pauvre Martin finira sa vie en tant que galérien. Et là, au moment où il ne s’y attend pas, un événement va tout remettre en cause. C’est fort, très fort !

Quant aux personnages, personnages réels et personnages de fiction se côtoient sans pour autant que cela gêne le déroulement du récit. Si Alexandre ou Martin n’ont jamais existé (à moins que je ne me trompe), Irénée Philalèthe, Marin Marais, Nicolas de La Reynie, Louvois, Nazelle ou encore Abraham Duquesne, pour ne citer qu’eux, ont bien inscrit leur empreinte dans l’Histoire.

Enfin, le style est vif, alerte. Jean-François Zimmermann a voulu employer autant que faire se peut des formulations de l’époque, ce qui est tout à son honneur. Mais que cela n’effraie pas les futurs lecteurs. Avec talent, l’auteur fait en sorte que la langue soit à la portée de tous.

Je conseille vraiment ce livre, d’autant plus si vous vous intéressez à l’Histoire.

Extrait :

Tandis que, rue de la verrerie, le vin coule à flots, à Meaux, il en est tout autrement.

– Madame la Marquise, Monsieur le Marquis vous mande. Blaise de La Peyrrière est assis près de la fenêtre qui donne dans le parc. Un pansement lui entoure la tête et un emplâtre est fixé sur sa joue. Ses mains étreignent nerveusement les bras du fauteuil.

– Que t’est-il arrivé ? As-tu fait une chute de cheval ? Souffres-tu ?

– Je crois être au paradis ! J’ai été victime d’une traîtresse agression dont l’auteur n’est autre que le soupirant de ta fille, ce rodomont hérétique, accroché aux bottes du sieur de Nazelle que je tiens pour responsable, par ses ignominieuses accusations, de la fin dramatique du chevalier de Rohan, le fils de celle-là même qui t’a caressée de son amitié.

– Martin t’aurait attaqué ?

– Martin Lasalle, issu de cette famille de parpaillots, fils de ce douteux médecin, alchimiste aux odeurs de fagots, plus proche des forges de Satan que des plumes de l’archange Gabriel. Martin, frère de Paul, ce bout de cul, ce courtaud de boutique qui passe son temps à écouter s’il pleut.

– Tu as l’intention de passer en revue toute la famille Lasalle ?

– Je les hais. Je hais tous ces prétendus Réformés, impertinents, forts de leur rhétorique, et qui ne pensent qu’à se coudre d’or. Ils écorcheraient un pou pour en avoir la peau. J’attends avec impatience que Louvois ait les mains libres, quitte à ce qu’il se débarrasse de Colbert, leur apologiste, pour éradiquer cette vermine. Protestants et Juifs, pour moi, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

– Certains dissipent les biens dont ils ont hérité, tandis que d’autres, qui n’ont pas eu la fortune d’être bien nés, se doivent pour subsister de travailler, mot dont nous ignorons, toi et moi, la signification. Il m’est insupportable d’ouïr tes imprécations. Je respecte la famille Lasalle et je ne crois pas Martin capable d’une telle vilenie.

– Oserais-tu douter de mes propos ?

– Oh que oui ! Tes mensonges, dont je fais peu de cas, me sont coutumiers !

– Mais tes plumes ne sont point blanches non plus, ma colombe ! Ton comportement à la Cour n’est pas exempt de tout reproche. Tes promenades à Boulogne en compagnie d’Alexandre Lasalle ne sont pas aussi innocentes qu’elles le paraissent !


De silence et d’ombre

Quatrième de couverture :

Sur les chemins aventureux du Moyen âge, nous partageons le quotidien d’hommes et femmes beaucoup plus proches de nous qu’il n’y paraît, et découvrons la vie silencieuse des monastères et les champs de bataille de la première croisade. Thibaud est moine copiste, et des circonstances exceptionnelles ont permis à ce clerc issu d’un milieu modeste d’accéder au savoir. Quand il rencontre Pierre l’Ermite, prédicateur ardent et fanatique de la première croisade, les indulgences promises par Urbain II l’incitent à le suivre dans cette aventure à la fois spirituelle et picaresque. Son premier amour, élevé au rang d’icône dans sa mémoire, accompagne chacun de ses actes. Sa quête du savoir passe par le rachat de ses fautes, et il va connaître l’épouvantable fracas des batailles, et rencontrer ses contemporains, chrétiens et musulmans, bienveillants ou impitoyables.

Mon avis :

J’ai retardé le plus possible l’instant fatidique où je devrai refermer définitivement ce livre. J’avais déjà apprécié L’Apothicaire de la rue de Grenelle mais comment ne pas craquer devant ce petit moine évoluant dans ma période de prédilection ? On apprend énormément de choses car l’auteur s’est extrêmement bien documenté sur le sujet et les détails foisonnent. L’écriture est très fluide d’ailleurs avec quelque chose que j’apprécie beaucoup : le texte est saupoudré de vocabulaire ou expressions médiévales sans pour autant en être alourdi. De ce fait, cela rend la lecture très agréable et nous permet de nous transporter aisément dans ce passé lointain.

Le parcours de ce jeune moine s’apparente à un chemin initiatique. Thibault n’est pas épargné par les aléas de la vie. Son parcours est engendré par une mort, celle de son ami Jean, un guérisseur un brin sorcier, bref un être à part qui lui avait tout appris. Il fut tué par les mains du propre père de Thibault, Martin. A partir de là, le jeune homme décide de prendre sa vie en main. Il part afin de fuir ses parents, « fuir l’impardonnable » comme il le dit lui-même et va devoir faire preuve à la fois de courage et de ténacité car sa foi va être mise à mal à plusieurs reprises. Amour charnel, vengeance, croisades, tout est fait pour le détourner de son objectif. Jusqu’à un événement ultime… que je ne dévoilerai pas !

Le fait que le narrateur soit Thibault aide le lecteur à s’identifier, à adhérer à l’histoire. Il devient pratiquement son compagnon de route, tremble pour lui et veut presque le remettre sur le droit chemin lorsque celui-ci se dévergonde. Justement, il est tellement sympathique qu’on lui passe aisément ses frasques. Ce n’est qu’en dernier lieu que l’on comprend vraiment le titre, même si certains indices étaient déjà présents. Titre judicieux qui met en lumière, sans jeu de mot, le récit antérieur.

Thibault représente tour à tour toutes les couches sociales de l’époque, nous permettant ainsi de découvrir la vie quotidienne de ces dernières. L’originalité réside justement dans le fait qu’il ne soit pas ancré dans un clan social. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui va être le moteur de son errance ?

Le roman fourmille de références culturelles. Je ne peux pas m’empêcher de voir une relation entre Thibault et Abélard (bien que ce dernier soit plus jeune que notre héros). Certes, l’histoire est somme toute différente. Mais quelques détails sont similaires. Lisez et vous verrez.

Oserais-je dire que Jean-François Zimmermann excelle dans le roman historique ? Oui, j’ose !

Extrait :

– Es-tu certain, Thibaud, qu’il n’y ait qu’une vérité ? Le dogme, ce principe fondamental donné comme intangible, ne souffre pas d’être contesté. Dieu a laissé à l’homme la liberté. La liberté et le choix. Il peut donc contester. Satan ne pourrait-il pas nous dire : « Je suis le frère aîné de l’homme. Vous m’avez affublé des oripeaux de de l’épouvantail des consciences alors que je tentais de vous libérer du joug de l’église. J’étais la révolte légitime de votre conscience. J’ai voulu affranchir le monde. Je me suis fait chair en m’appelant Jésus. Je suis monté au Golgotha pour briser les chaînes de la servitude ».

– Luigi, je te prie de t’accoiser. Ta rhétorique n’est que rhétorique.

– Je regrette que tu ne saches, ou n’oses, contester. Le doute est permis. La foi n’est pas innée. Un saint bardé de certitudes n’est pas un saint, c’est un rasoté.

Nous sommes sur le chantier, je profite d’une pause entre Sexte et None. Luigi affine une taille négligée par un apprenti. L’air est doux, le printemps se respire à pleins poumons. Sans me regarder, Luigi poursuit :

– Il n’est pas sain de laisser la violence du désir inassouvie chez les jeunes moines pleins d’ardeur et de sang. Je les soupçonne, sans les juger ni les condamner, de mignonner du regard les courbes évocatrices et provocantes des vierges qui leur tendent les bras, drapées dans leur étroite robe de pierre. Découpé dans le carrare, le frêle corsage de la jeune fille de Nazareth hante les nuits de leur solitude monastique. Je le sais, moi qui sculpte cette chute d’épaule, le galbe d’un sein, la veine palpitante d’une gorge, ces lèvres en forme de baiser ardent, ces ventres tièdes où l’homme heureux, accompli, comblé, aime à reposer sa tête. Lorsque j’exécute ce travail, je pense aux générations de moinillons condamnés à ce substitut sur lequel ils projetteront leurs chimères. Je veux qu’au travers de cette pierre vivante, ils n’ignorent rien de la réalité féminine, de la mère, de l’amante, de la fille, réunies en une seule courbe. Une telle grâce, une telle beauté ne peuvent rendre hideuse la jouissance qu’elles génèrent sous les couvertures humides des paillasses du dortoir glacé d’un moutier silencieux.

– Par Dieu, Luigi, tu me tourmentes.

– Ta naïveté me confond. Tu ne vois que la lumière et tu ignores l’ombre. Il n’y a point d’ombre sans lumière ni de lumière sans ombre. L’ombre n’est que le refuge des actes inavoués, elle est aussi l’abri des passions amoureuses. Elle permet à l’être de s’affranchir des contraintes terrestres et de s’emparer d’une part du divin que la lumière nous dérobe en contraignant notre regard.

Le site de Jean-François Zimmermann


La Rivière d’Or

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Quatrième de couverture :

Cet ouvrage est une suite de « L’apothicaire de la rue de Grenelle », paru aux Éditions du Bord du Lot, en 2011 et qui avait obtenu le Prix du Roman des Écrivains bretons.

Il peut être lu indépendamment du précédent.

L’histoire, qui se déroule à la fin du XVII e siècle, se situe pour partie en France, pour partie en Hollande, et pour partie aux Indes Orientales.

Elle met en scène trois frères que tout oppose. Martin, médecin, condamné aux galères pour fait de religion – il est protestant – s’enfuit en Hollande. Simon, chirurgien attaché au service du roi, catholique converti, demeure à Versailles. Paul, clerc de peu de foi, est plus attiré par les femmes et le jeu que par l’exercice de son ministère.

Tous trois ont de bonnes raisons de se détester et de haïr le Roi-Soleil.

Rien ne dispose ces trois destins, que la vie a séparés, à se croiser de nouveau.

Et pourtant, les trois frères vont se retrouver, après bien des péripéties aussi aventureuses qu’inattendues, à bord du même vaisseau, quelque part dans l’Océan Indien.

Le crépuscule du Roi-Soleil est proche. Cette lente agonie sera-t-elle facteur de rapprochement de la fratrie ?

Mon avis : 

♫ C’est un beau roman, c’est une belle histoire… ♫ chantait Michel Fugain dans les années 70 (en 1972, année de ma naissance, plus précisément). Et c’est cette mélodie qui me vient en tête en refermant le livre de Jean-François Zimmermann. Amour, intrigues, voyages, Histoire… Tous les ingrédients sont rassemblés ici pour faire passer à la lectrice que je suis quelques agréables heures de lecture. J’avais déjà dévoré – le mot n’est pas trop fort – le premier tome, L’Apothicaire de la rue de Grenelle, et je dois bien avouer que j’en ai fait de même avec celui-ci.

J’ai retrouvé avec plaisir Martin Lasalle, de retour des galères, et fait un peu plus connaissance avec sa fratrie, bien jeune encore lorsque nous l’avions quittée. Et là où le récit pourrait s’essouffler ou n’être simplement qu’une suite, il intrigue, surprend et forme non pas une simple continuation mais bel et bien une véritable histoire. Une histoire dans l’Histoire d’ailleurs car l’auteur, amoureux de ce siècle et cultivé comme il se doit, imbrique avec justesse et brio ses personnages – fictifs – avec d’autres figures bien connues des historiens.

Que dire de plus, si ce n’est que j’espère vous faire découvrir cet auteur qui mérite amplement que l’on s’intéresse à lui. Le premier tome avait obtenu le Grand Prix du Roman des Écrivains Bretons. Je souhaite vivement que celui-ci remporte également une récompense, et pas forcément à connotation régionale d’ailleurs. Le talent n’a pas de frontières…

Extrait : 

Amsterdam, hiver 1685

Voilà maintenant plus d’un an que Martin a repris les recherches hermétiques de son père. Il se souvient du laboratoire attenant à l’apothicairerie de la rue de Grenelle qui était toujours fermé à clef, non qu’Alexandre craignît qu’on y pénétrât pour violer quelque secret ou dérober poudres ou métaux précieux, mais parce qu’il contenait des objets et des produits dangereux à quiconque les aurait manipulés sans précaution. Or, les enfants sont toujours curieux, et Martin l’était plus que Simon, Paul et Judith. Le ronflement du feu d’enfer de l’athanor, entretenu au moyen d’un soufflet, se mêlait au bouillonnement des mystérieux liquides qui se sublimaient dans les cornues. Toutes ces couleurs, toutes ces odeurs, parfois suffocantes, qui provoquaient toux et picotements des yeux, sont siennes désormais. Tout ce que son père a souffert dans sa chair, les multiples brûlures sur ses mains, ses yeux brillants, trop brillants, au sortir du laboratoire, « ce repaire du démon », comme le disait Jeanne qui ne voyait dans cette activité qu’une folie pour les mener à la ruine, il l’éprouve lui aussi, avec les mêmes impatiences et les mêmes interrogations.


Libertas

Libertas

Dernier tome d’une trilogie – Le Crépuscule du Roi-Soleil -, Libertas est époustouflant ! Je ne répéterai jamais assez que cet auteur n’est pas suffisamment connu à mon goût, lui qui manie la plume et l’Histoire avec adresse et talent. Vous vous sentez l’âme aventurière ? Alors suivez ces frères qui vont tout braver, aussi bien la mer, les pirates que la politique…

 Comme dans les deux premiers tomes, le récit, sans mauvais jeu de mots, nous « embarque » dans l’histoire dont voici la quatrième de couverture :

Olivier de L’Aubertière rêve d’un monde meilleur, peint aux couleurs de l’équité et de l’amour, et veut partir à la recherche de l’île de Libertas où devraient se concrétiser ses chimères. 

Il va engager comme chirurgien Martin Lasalle, évadé des galères de Louis XIV auxquelles il a été condamné sur dénonciation de son frère Paul. 

Ils vont se lancer dans une folle aventure qui emprunte à la mer son goût d’eau salée et aux luttes sans merci leur odeur de poudre, sillonner les mers de l’Océan Indien, résister aux terribles tempêtes et aux maladies, braver les pirates de Fort-Dauphin, combattre la flotte du Grand Moghol.

Vaincre et convaincre. En combattant leurs ennemis par les armes et en séduisant les indécis par les mots, ils gagnent à leur cause des centaines de marins, las eux aussi des injustices dont ils sont victimes. 

Ils vont aussi devoir composer avec leurs doutes et leurs hésitations et affronter la fourberie de Paul, manipulé par Francisco Feyo, un être cupide et cruel. 

Trouveront-ils cette île, ce havre de paix où ils pourront édifier leur république libre, juste et égalitaire ? 

C’est passionnant de bout en bout et rien, pas même le facteur qui sonne, votre estomac qui hurle ou l’eau du bain qui déborde (rayez la mention inutile) ne vous fera sortir le nez de ce livre.

Extrait : 

Olivier réunit tout l’équipage sur la plage, excepté la vingtaine de matelots demeurés à bord du Griffon. Il entend procéder à la répartition du butin.

– Tous ici présents, vous avez rejeté le joug des tyrans et l’injustice qui accompagne leur règne. La Liberté est désormais votre credo. Elle s’accompagne de l’équité et de la fraternité. Les lois naturelles nous en donnent le droit. En toutes circonstances, il nous faudra montrer l’exemple en étant généreux envers nos ennemis, générosité qui ne doit pas exclure la fermeté. À leur iniquité qui engendre méfiance et confusion, nous opposerons confiance et ordre. À la haine qui règle leurs relations, nous opposerons l’amour. Il faudra bannir de nos rapports rancunes et moqueries et, bien à rebours, privilégier l’entente et l’harmonie.


Le Mépris et la Haine

Quatrième de couverture : 

Guy de Porcon est le fils du comte. Tanguy Cloarec est le fils du garde-chasse. D’un côté, la morgue, puis le mépris, de l’autre, la révolte, puis la haine.

« – Tanguy, il ne faut plus penser à Émilie. Je comprends ta souffrance. Je compatis et je t’envie. J’envie le temps de ta jeunesse, ce temps durant lequel nulle montagne ne paraît infranchissable. Et pourtant, les versants qui séparent nos deux mondes, le mien et le tien, le sont, infranchissables. Entre les serviteurs et leurs maîtres, ils existent depuis si longtemps ! Guy va épouser Émilie. Il ne la mérite pas, je te l’accorde, mais la tête a bien peu de place dans les choses de l’amour car celles-ci se logent du côté du cœur. Le notaire arrange ce genre d’affaires bien mieux que le cœur ne pourrait le faire. »

Mon avis : 

Quel plaisir de retrouver Jean-François Zimmermann dans son époque de prédilection, le XVIIe siècle ! Une fois de plus, il nous entraîne, avec la plume et la verve qui le caractérisent, dans une société dans laquelle grouillent les intrigues. Et il associe cette période à une région qu’il connaît bien, la Bretagne. Dès lors, il va laisser parler son cœur et son esprit et nous embarquer à bord du Marsouin, bateau devenant pratiquement un personnage de l’histoire. La noirceur de l’être humain va apparaître dans deux classes sociales paraissant distinctes mais pourtant si étroitement imbriquées. C’est à travers le Comte Yves de Porcon puis son fils, Guy, que l’on verra apparaître l’égoïsme, l’arrogance, le dédain envers autrui. Ils apparaissent presque comme un cliché, image tenace cependant que certains ont encore aujourd’hui de la noblesse. Et si, en général, l’estime va plutôt au « petit peuple », Tanguy symbolise l’exaspération, la rancœur et l’aigreur. Cependant, rien n’est perdu car l’Homme recèle également de bons côtés…

Habituellement, les histoires maritimes ne m’enchantent guère. Mais là, je me suis laissée emporter par la vague, en redemandant encore, prête à boire la tasse ! Je n’ai pas vu passer les heures de lecture, retardant même l’échéance de la dernière page. Très cher Jean-François, mais comment faites-vous ? C’est de la magie ? Ou plutôt, devrais-je dire, de l’alchimie ! Après toutes ces aventures, je suis prête à lire les récits de Surcouf, tiens ! Lisez ce livre et vous comprendrez pourquoi je dis cela…

Citation : 

Ils sont une centaine à s’être rassemblés avant l’aube dans la clairière de l’arbre aux pendus. Indignés par l’énormité de ce crime perpétré sans motif apparent, ils ont chacun leurs raisons de s’être déplacés pour assister à l’exécution du condamné. Certains sont là parce qu’ils étaient familiers de la victime, d’autres parce qu’ils n’ont encore jamais vu un homme se balancer au bout d’une corde, d’autres encore, accoutumés à ce spectacle, veulent éprouver une fois encore cette excitation sauvage qui leur fouaille les tripes. Ceux-là ne vomiront pas discrètement, ils écarquilleront leurs yeux pour ne rien perdre de la scène et jouiront dans leurs chausses.

Il n’y a que quelques vieux qui se souviennent d’avoir vu des misérables, la corde au cou, la langue pendante, battre des pieds la dernière mesure d’une muette complainte à l’ombre de l’arbre aux pendus.